vendredi 11 avril 2008

Patrimoine et tourisme (L'Essor du 10 avril 2008)





Segou réhabilite ses vestibules - Ils symbolisent la cohésion sociale, la porte d'entrée dans la vie (et de sortie aussi) et le théâtre des grandes décisions du clan.
La 4è Région, notamment sa capitale Ségou, entreprend de combler une lacune culturelle et historique car les connaissances disponibles se limitent pratiquement à celles véhiculées par la tradition orale. Des historiens comme Mme Adam Bâ Konaré et la romancière guadeloupéenne, Maryse Kondé, lui ont consacré des écrits mais sur le plan archéologique, cette région reste peu explorée.
Depuis début des années 2000, de nombreuses initiatives comme le Festival sur le Niger, l'atelier d'art plastique Domo, ont fleuri dans la cité des balanzans. Ces manifestations mettent en lumière le riche patrimoine culturel de la cité historique. Le ministère de l'Artisanat et du Tourisme accompagne le mouvement à travers l'Office malien du tourisme et de l'hôtellerie (OMATHO) qui s'emploie à dynamiser le tourisme ségovien en améliorant les sites et en créant des circuits.
Les Ségoviens sauront mieux recevoir les visiteurs et bénéficieront des retombées d'une évolution directement liée aux efforts de communication et de sensibilisation vers des touristes potentiels mais aussi en direction des habitants des sites. Ceux-ci sont incités à accorder plus d'attention aux valeurs sociales, culturelles, politiques et économiques attachées aux voyages et au tourisme.
La réhabilitation de trois maisons traditionnelles dans le quartier somono de Ségou et de treize vestibules dit Bitonblon (7 à Sékoro et 6 à Bassidialandougou) est envisagée. Le chantier coûtera un peu plus de 50 millions de Fcfa entièrement financés par les budgets du ministère de l'Artisanat et du Tourisme et de l'OMATHO.
Le vestibule (Blon en bambara) est le symbole de la cohésion sociale. Il sert d'édifice d'entrée et de sortie unique pour les membres du "gwa" (le foyer), du "dou" (la confédération de plusieurs foyers, ou du "kin" (le quartier). Tous les membres de ces structures sociales ont généralement un ancêtre commun. Ils partagent le même système de valeurs et se reconnaissent une identité à travers des modèles. Le blon est le premier lieu sacré du village, du quartier ou de la famille. Le Blonda (la porte du vestibule) est un lieu de sacrifices et d'émission de voeux.
En franchissant le seuil du vestibule, les nouveau-nés commencent leur socialisation, plus exactement leur intégration dans la communauté. Par contre le défunt, en sortant par la même porte, rejoint les ancêtres. Parce qu'elle est si symbolique, les membres de la communauté jurent au nom de la porte du vestibule pour témoigner de leur bonne foi et de leur sincérité. Ils se confient à elle pour résoudre les problèmes sociaux : la chance dans la vie et dans l'aventure, la fécondité, les bonnes récoltes.
Les travaux de restauration du Bitonblon ont démarré en janvier dernier pour remettre en état cet impressionnant bâtiment de style soudanien construit avec 20 pilastres (piliers) dont deux centraux. Ceux-ci sont sculptés dans du bois. L'un représente l'homme, l'autre la femme. Les portes orientées nord-sud ont des battants en bois avec des serrures taillées dans le même matériau.
Le fondateur du royaume bamanan de Ségou avait fait construire 7 vestibules. Mais seul le Bitonblon servait à accueillir les conseils du trône pour la prise des grandes décisions et l'accueil des hôtes de marque. Ces vestibule étaient disposés de telle manière que nul ne pouvait accéder n'importe comment au Roi. Le contrôle y était systématique. La galerie était surveillée par des gardes de différentes classes, les célèbres "Tonjon". Chaque vestibule était confié à une section de ces preux guerriers.
Le vestibule de Bassidialandougou, dans l'arrondissement de Tamani a été construit voilà plus de quatre siècles par l'ancêtre Bakary Koné. Le toit en terrasse de l'édifice est soutenu par une quinzaine de piliers en bois dont 12 d'origine et trois dont les bois ont été remplacés. La terrasse a été refaite une seule fois depuis la construction. L'édifice n'a connu aucune autre modification à ce jour.
Y. DOUMBIA
L'Essor n°16173 du 10 avril 2008

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