L'Essor du 30/11/2009
Le caractère rituel du balafon fait appel à certaines pratiques magiques.L'édition 2009 du festival "triangle de balafon" a répondu aux attentes. Cet espace pour découvrir le balafon a fait connaître aux mélomanes l'histoire du "piano magique" africain. Ils savent depuis la conception, les étapes de cette fabrication, certains mystères liés à l'instrument. Ils sont surtout impregnés du symbolique de l'instrument .
La fabrication du balafon est entourée de beaucoup de mystère. Les fabricants ont chacun leurs astuces. Ils font recours à toutes sortes d'artifices et à la science occulte avant de livrer leur produit. Les moyens et procédés ne manquent pas. Les maîtres en la matière se surpassent en mystère et en science occulte.
Cependant a expliqué Tiémoko André Sanogo, spécialiste à la matière, cela dépend de chaque fabricant, de sa zone culturelle et de son ethnie. Toutes ces procédures font que le balafon est entouré de rites. Le rite dans le domaine d'un tel instrument explicite le spécialiste, est un ensemble des prescriptions ou d'usages spécifiques pour le déroulement d'un acte culturel.Le plus souvent, a-t-il poursuivi, ces prescriptions ont un caractère sacré. Elles ne sont donc pas à la portée de tout le peuple. C'est ce qui arrive le plus souvent dans l'étude de nombreux instrument de musique de la sous-region. Le caractère profane est bien visible et ne sert qu'à de simples réjouissances.
Cependant, le caractère rituel du balafon en milieu Sénoufo fait appel à certaines pratiques magiques et réservées à des initiés d'un certain rang. En matière de rites, il serait très difficile de tracer les rites particuliers de tous les peuples de l'aire culturelle balafon tant le rituel est fluctuant et dépendant de chaque peuple. Chez les Sénoufo et les Bamanan, les rites commencent depuis le choix de l'arbre qui doit servir à fabriquer le balafon.
Ainsi, le fabricant choisit un jour de sa convenance et selon des principes qui lui sont propres. Muni d'un poulet, il se rend sous l'arbre qu'il va repérer quelque temps auparavant. Il fait le tour de l'arbre trois fois. Il égorge ensuite son poulet. Il asperge le sang tout autour du tronc en récitant des incantations à mi-voix. C'est après ce rituel que commence l'abattage de l'arbre. Il y aura un rite qui consiste à "fumer" les lattes pour mieux les sécher.
Aussi, après la confection totale du balafon, a indiqué Tiémoko André Sanogo, il faut procéder à au rite majeur. C'est le plus important. Cette fois-ci l'instrument est transporté en dehors du village. Très loin des regards un grand trou est creusé. Le fabricants y dépose tous les éléments envoûtants ou "endiablants". Il ajoute des braises. Le dépôt commence à brûler. Le balafon est superposé au-dessus du brasier magique. Il est retourné dans tous les sens jusqu'à ce que la fumée cesse de monter. Tiémoko André a rappelé que tous les connaisseurs du "bala" s'accordent à dire que ce rite final est crucial et délicat. " Et c'est là qu'on reconnaît les vrais maîtres confirmés du balafon" a lancé le spécialiste.
En plus l'avenir de l'instrument dépend de ce rite. Celui qui est chargé de cette opération a toutes les chances d'être lui-même sérieusement "fumé”. C'est pour cette raison que beaucoup de joueurs de balafon ou même les fabricants, retraités continuent du charme magique et attirant du balafon. Ils sont populaires à vie. Notre spécialiste indique que le "bala" après avoir été livré à son propriétaire doit toujours être fumé et entretenu avec cet encens envoûtant. Car ce instrument doit toujours attirer les foules. Il nous raconte qu'il a suivi une fois un grand maître pour assister au déroulement du rite majeur.
Ce spécialiste l'a conduit dans un cimetière pendant la nuit. Il lui a enjoint de s'écarter de ce fossé, car la fumée peut rendre volage celui qui l'absorbe ou s'embaume. Concernant ces mêmes rites et les pas de danse, le balafon reste toujours un instrument de musique, de divertissement et d'expression culturelle. Il a son langage propre que peut même ignorer le joueur. Mais a souligné Tiémoko André, les anciens du village, les vrais initiés le savent bien décrypter le message. Les sages sont en mesure d'interpréter tous les sons et le langage du balafon.
L'instrument est magique et mystérieux. Chaque pas de danse est réservé à une catégorie de personnes. Certains airs et rythmes sont joués pour annoncer l'arrivée d'une personne de renom (personne âgée, responsable administratif ou politique, chef de village). Il y a également des airs et rythmes réservés uniquement pour annoncer un décès ou pour accompagner un cortège funèbre.
Le balafon accompagne les pas de danse ésotériques lors des rites initiatiques de la circoncision. L'instrument anime la célébration des manifestations du N'komo ou du Korè. Ces cercles sont fermés. Il n'est pas permis à n'importe qui de se mêler au public. Ce monde est identique au domaine de la chasse où le mythe prend plus de poids sur la réalité.
La pratique du balafon reflète un ensemble profane, funéraire sacré, traditionnel et moderne. Chacun de ces aspects à son rythme, ses pas de danse qu'il convient de connaître et d'améliorer a révélé Tiémoko André Sanogo. Il a ajouté que dans l'aire culturelle chacun de ces aspects est pris en compte. En dehors de l'aspect profane cet instrument n'est pas joué sans raison valable.
Le symbolique de l'instrument, selon notre interlocuteur impose toutes les pièces constitutives du balafon représentent quelque chose. Tout a un sens, une signification. En effet la philosophie Sénoufo enseigne que tous les hommes selon leur âge, leur morphologie et leur stature physique répondent au nom d'Homme. De ce fait il n'y a que trois sorte d'homme suivant la taille et le poids.
La vie est complémentarité et non-dépendance. Les hommes grands ont besoin des courts. Les chétifs ont besoin des gros. Ainsi, le Sénoufo symbolise la société par les lattes du balafon. Nous sommes tous des hommes mais chacun de nous a ses particularités propres. Ces particularités se conjuguent pour créer un ensemble harmonieux produisant la vraie société des hommes.
Selon la pensée Sénoufo, sans ces " différences particulières", le balafon ne produirait pas un son. Le symbolique même du balafon en tant qu'instrument de musique représente la vie et surtout la philosophie du joueur en partant de l'homme tout court.
Mariam A.Traoré
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