mardi 4 décembre 2007

la societe touareg et ses traditions:Edmond Bernus





Dans les traditions des Touaregs, on trouve presque toujours une référence à une ancêtre femme, à l'origine de la chefferie et fondatrice de la tribu – tawshit. Les plus connues sont Tin-Hinan et sa servante Takana, arrivées dans l'Ahaggar : la première donna naissance aux Kel Ghela, tribu suzeraine, détentrice du pouvoir ; la seconde fut à l'origine de la tribu vassale des Dag Ghali. Ce schéma se retrouve un peu partout et presque toujours les nouveaux arrivants s'allient aux populations déjà en place.
La société touarègue est hiérarchisée ; elle comporte une aristocratie guerrière, des vassaux, des religieux à titre collectif, des artisans et un groupe servile qui comprend plusieurs niveaux selon son statut – esclaves, affranchis… Le chameau, en réalité le dromadaire, est l'animal associé à l'aristocratie, alors que la vache, et plus encore le petit bétail – brebis et chèvres – sont liés aux classes plébéiennes ou serves. Chaque « confédération » est composée de ces différentes strates, avec à sa tête un chef supérieur – amenokal – toujours issu d'une même tribu et dont le pouvoir est matérialisé par un tambour de guerre – ttobol ou ettebel. Les Touaregs sont des berbérophones qui font partie de ce grand ensemble berbère qui va du Maroc à l'Égypte. La langue constitue la pierre angulaire de cette société hiérarchisée, diverse dans ses composantes. Les Touaregs possèdent aussi une écriture dont les caractères tifinagh, gravés sur de nombreux rochers, sont souvent difficiles à déchiffrer, mais cette écriture, toujours vivante, est aujourd'hui utilisée dans des messages écrits sur papier. Elle est enseignée dans les familles avec des procédés mnémotechniques comme une phrase qui contient tous les signes de l'alphabet.
Le voile de tête – tagelmust – est la pièce maîtresse du vêtement masculin. Selon Charles de Foucauld, « Le voile de front et de bouche et le pantalon sont les vêtements distinctifs de l'homme […] ; ôter son voile de tête et de bouche, jeter son voile […], ôter son pantalon sont des expressions qui signifient être déshonoré. » Il est honteux de se dévoiler en public ; un homme jeune, devant une personne âgée, ne découvre son visage que par une fente où brillent deux yeux et introduit le verre à thé sous le voile sans découvrir sa bouche. Ce voile protège les muqueuses du vent, mais plus encore, soustrait les orifices faciaux aux assauts de génies dangereux.
Les Touaregs sont monogames, ce qui est un trait original dans une société islamisée. Se marier, c'est « fabriquer une tente » que la jeune femme apporte avec tout le mobilier et les ustensiles de la vie domestique. Le marié doit fournir des animaux à sa belle famille dont le nombre et la qualité varient : cette taggalt est constituée de chameaux chez les nobles, de chameaux ou de vaches chez les tributaires, de petit bétail chez les gens de moindre importance, mais ces animaux sont le gage indispensable de l'alliance entre les deux familles qui appartiennent en général à la même catégorie sociale : en théorie, la jeune mariée doit recevoir les mêmes animaux que sa mère. En cas de divorce, la femme part avec sa tente.

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