lundi 18 janvier 2010

2ème édition de la Rentrée littéraire au Mali 9-12 février 2010 : LES ECRIVAINES MALIENNES ATTENDENT-ELLES « GODOT » ?





















Le journal l'Essor-Mali du 18-01-2010


Depuis 1953, le célèbre dramaturge franco irlandais Samuel Beckett, a créé des personnages qu’il a plantés sous un arbre et qui attendent « Godot » qui symbolise la conscience du temps qui passe, sans que rien ne se passe, l’attente, le silence et l’enfermement.

A l’instar de ses personnages absurdes, attendant « Godot », les femmes maliennes écrivaines vivent dans le silence, l’attente et l’enfermement face à l’écriture, contrairement à leurs sœurs du Sénégal, de la Côte d’Ivoire qui tournent au gré des Grandes rencontres littéraires.

Combien d’entre nous se compte à ces grandes messes de l’art engagé qu’est l’écriture ? Très peu bien sûr. Depuis l’indépendance, il y a cinquante ans, sans rien exagérer, il faut attendre une décennie pour entendre parler de deux écrivaines maliennes.

Sur vingt auteurs présentés dans L’ESSOR du mercredi 30 décembre 2009, au Café littéraire de Mamadou Bani Diallo du ministère de la Culture, seules figurent les noms de deux illustres écrivaines : j’ai nommé Aida Mady Diallo et Oumou Ahmar Traoré. Quelle pauvreté de ce côté, même si d’autres illustres comme Adam Ba Konaré et Aminata Dramane Traoré ne sont pas citées, et d’autres comme la dramaturge Awa Diallo se débattent pour émerger.

D’où nous vient-elle cette léthargie mentale des Maliennes ? Allons-y voir chez Samuel Beckett. Le temps qui passe sans que rien ne passe. Elles n’écrivent pas parce que elles n’ont pas de temps, parce qu’elles sont esclaves du quotidien, ces interminables cérémonies sociales : baptêmes, mariages qui les absorbent, les enivrent, les étriquent et les mettent K.O. ; tant sur le plan physique que financier et matériel. Une cérémonie est-elle terminée qu’il faut préparer les autres qui sont annoncées.

Quant au décès, ils ne sont pas annoncés, ils s’invitent drus au calendrier. Il y en a tous les jours et y assister est obligatoire, sinon, en cas de cas…les gens ne t’assisteront pas. Encore et encore, les cérémonies s’enchaînent encore et encore sans que rien ne se passe. Les femmes intellectuelles y perdent leur latin. Aucune ne songe à reproduire mêmes ces cérémonies pour en faire de beaux textes.

Les Maliennes n’écrivent pas parce qu’elles attendent « Godot ». Elles sont dans les contraintes, les pesanteurs sociales. Ne sont–elles pas celles qui entretiennent les nœuds des parentés qui s’effilochent ? Ne sont-elles pas celles qui doivent rester à la maison pour recevoir parents, amis et connaissances de la famille, pendant que les messieurs à qui Dieu a donné la permission de s’atteler à faire des choses plus utiles et grandioses comme la politique ou écrire ou réfléchir. Là encore, rien ne se passe chez elles.

Et entre temps n’a pas attendu pour marquer de son empreinte et le physique et le mental de la femme. Elle a laissé à demain ce qu’elle pouvait écrire aujourd’hui, et encore au surlendemain. Elle n’a rien écrit. Et pourtant, elles avaient les idées les plus éclairées, les plus engagées et les plus belles qui se sont envolées au fil du temps. Chez nous, la femme subit un autre handicap : c’est que tout le monde ne parle pas. Sinon gare aux griots qui peuvent te faire pendre la langue, si jamais tu interférais dans son domaine.

Notre culture a imposé aux enfants, surtout les filles de se taire. Les mamans et les mamans des mamans ont appris à leurs filles à garder au plus profond d’elles-mêmes tout ce qu’elles voient, entendent ou vivent. Une femme excellente c’est celle qui sait se taire. Or l’écriture, c’est se dévoiler, c’est dévoiler les autres, c’est se trahir et trahir les autres. Et là aussi, les Maliennes attendent que « Godot » vienne les délivrer de ce carcan qui les empêche de s’exprimer. Les Maliennes n’écrivent pas, parce que écrire, c’est oublier son foyer, son époux, ses enfants, ses parents. C’est aussi s’oublier.

Rares sont les femmes écrivains qui sont dans les liens du mariage. Seuls les hommes peuvent « abandonner plus longtemps leur famille pour s’adonner à cette noble cause. Peu d’hommes sont compréhensifs sur ce chapitre. Si tu t’absentes plus longtemps pour la promotion de tes œuvres, ton Chéri fera la promotion de ta coépouse, encouragé en cela par ta propre famille qui aura pensé que ta place est plutôt dans ton foyer. Et là les Maliennes attendent « GODOT ».

La redaction.

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