mardi 29 juin 2010

Festival « Sanké Mô » : L’ENTHOUSIASME, TOUJOURS


Le journal l'Essor-Mali du 29 Juin 2010.

La pêche collective qui figure sur la liste des patrimoines en péril de l’Unesco, aspire à accéder à la liste du patrimoine culturel immatériel représentatif de l’organisation onusienne.

L’engouement populaire pour le « Sanké Mô », la pêche traditionnelle qui programmait sa 610è édition, reste toujours vif dans la ville de San et environs. La pêche a donné naissance au festival « Sanké Mô » dont la troisième édition a vécu la semaine dernière. Autorités administratives et politiques, populations riveraines ont communié dans une parfaite symbiose durant toute la semaine. Il faut dire que le festival « Sanké Mô » a eu l’honneur de figurer cette année au cœur de la célébration de la semaine nationale du patrimoine culturel. La fête se déroule dans le contexte particulier créé par le cinquantenaire de l’indépendance de notre pays. Le ministre de la Culture, Mohamed El Moctar, plusieurs membres de son cabinet et le directeur national du patrimoine culturel, Kléssigué Sanogo, étaient également la fête. Causeries et conférences-débats sur l’histoire de la ville et de sa pêche traditionnelle, excursions, visites touristiques sur les lieux sacrés ont permis aux festivaliers de mesurer la richesse de San et du « Sanké Mô ».

 Côté festif, la jeunesse sanoise n’a pas manqué le rendez-vous. La semaine durant, la ville de San a pétaradé au rythme des motocyclettes et des véhicules dont les propriétaires avaient sciemment ôté le silencieux du tuyau d’échappement. Le fracas des culbuteurs en liberté a donné de l’ambiance aux festivités mais n’a pas manqué de susciter des interrogations légitimes chez les organisateurs. "Cela fait plus de six siècles qu’on fête le « Sanké Mô ».

Il n’y avait pas de motos, ni de voitures. Mais aujourd’hui, nous assistons à ce phénomène de rallye. C’est vrai que la pratique fait vivre la ville durant le festival mais il faut reconnaître qu’elle dépasse de plus en plus l’aspect festif. Nous déplorons aujourd’hui des blessés et même des morts d’hommes. Ce qui est contraire aux principes d’un festival qui est censé être une fête. Nous devons chercher à circonscrire cela à tout prix", insiste le président de la Commission d’organisation, Seydou Traoré.

 Pour ce faire, il a préconisé des actions conjointes avec la police pour réglementer et discipliner "Roule Sanké Roule". Les jeunes seraient formés au Code de la route, mais aussi et surtout sensibilisés aux dangers de la mauvaise conduite pour les populations, mais aussi pour eux-mêmes, indique Seydou Traoré. Le « Sanké Mô » constitue un élément important de notre culture comme en témoigne son inscription en 2009 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

 Au même titre que trois autres de nos symboles figurant sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité : l’espace culturel du Yaaral et du Degal (2008) ; la Charte du Mandé (2009) et la réfection septennale du toit du Kamabulon, la Case sacrée de Kangaba (2009). Cependant, avertit le directeur national du patrimoine culturel, cette inscription n’est pas une fin en soi.

 "Sanké Mô n’a pas encore obtenu la place qu’il mérite. Pour le moment, il est inscrit sur la liste des patrimoines en péril de l’Unesco. À ce titre nous devons faire en sorte qu’il soit inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel représentatif de l’organisation onusienne", indique Kléssigué Sanogo, lors de la conférence-débat qu’il a animée sur le thème : "les mesures de sauvegarde du « Sanké Mô », rite de pêche collective dans la mare Sanké".

 Pour atteindre cet objectif, Kléssigué Sanogo propose des séances d’information et de sensibilisation des populations sur la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et les textes juridiques nationaux. La formation du comité local de gestion du « Sanké Mô » en gestion d’un bien du patrimoine immatériel ; la recherche documentaire sur le « Sanké Mô » ; la collecte des traditions orales, notamment les contes, les proverbes etc ; la création d’émissions radiophoniques nationales sur le « Sanké Mô » ; l’organisation d’une exposition photographique itinérante sur les menaces et la problématique de la transmission des pratiques liées au « Sanké Mô », rite et pêche collective dans la mare Sanké ; la formulation de recommandations sur la consolidation du « Sanké Mô » et la production de rapport sont des axes autour desquels s’organisent les actions de sauvegarde envisagées par la direction nationale du patrimoine culturel, a précisé Kléssigué Sanogo.

LE RITUEL OBSERVÉ

 Le Sanké Mô, rite de pêche collective dans la mare de Sanké, a lieu tous les ans pour commémorer la fondation de la ville de San. Ce rite est en cours depuis l’an 1400 et commence toujours par des offrandes aux esprits de l’eau, avant la ruée des pêcheurs munis de filets traditionnels confectionnés pour l’occasion, a rappelé Kléssigué Sanogo.

Cette année, ce rituel a été observé. Toute la matinée de jeudi, la ville bruissait aux sons des tam-tam bwa de Térékoungo et de Parana, deux localités situées à quelques encablures de San. Dans les familles fondatrices de la ville, les femmes s’activaient à la préparation de la fameuse crème traditionnelle "le Mukufara" et des autres mets destinés à assouvir les gourmandises. Un moment très attendu par les mioches ! Côté officiel : le ministre de la Culture, Mohamed El Moctar, et sa délégation ont rendu visite au chef de village, Salia Traoré, et à l’imam, Allaye Daou.

 Les notabilités ont exprimé leur reconnaissance au président de la République et à l’ensemble du gouvernement pour les efforts consentis pour le bonheur du peuple malien. L’après-midi a été consacrée à la pêche proprement dite dans la mare « Sanké ». C’est aux environs de quatorze heures que la délégation ministérielle, précédée par une foule des grands jours, a rallié la mare. Des bruits d’engins, des cris de joie et d’extase, des battements de mains et des chants de jeunes filles amplifiaient le son des tambours bwa accompagnant la procession vers la mare.

 Sur place, le rituel ne pu être respecté à la lettre. La foule impatiente se rua dans les eaux troubles dans un rush indescriptible. Ce qui ne doucha outre mesure l’enthousiasme du ministre, Mohamed El Moctar qui a promis de s’investir pleinement pour pérenniser ce qui constitue désormais l’enfant de tous : le « Sanké Mô » .

 D’ores et déjà, le ministre donne le ton : "C’est le meilleur support pour rehausser l’image de la culture malienne en particulier et en général l’image de notre pays. Cette pêche doit être pérennisée. Je suis très heureux de l’engouement que cela suscite auprès de toute la population sanoise. La tradition est préservée et nous sommes heureux de constater que la relève est assurée. Nous ne regrettons pas d’avoir choisi le festival pour célébrer ici la semaine nationale du patrimoine culturel.

 La fête se doit être complète et je pense que cela a été le cas. Nous mettrons tout en oeuvre pour maintenir cette dynamique", a-t-il promis, avant de saluer les initiatives du président de la République pour la construction de salles de spectacles dans tout le pays. Les organisateurs ont profité de l’occasion pour exprimer leur reconnaissance aux différents partenaires, dont l’AMAP qui, depuis trois ans, les accompagne pour la réussite du festival.
 
Par Lassine Diarra.
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